RASHA – « Pour aimer cette vie »

Savez-vous ce qu’est la gratitude ?
Moi, je croyais savoir… Et puis j’ai rencontré Rasha.

Rasha n’a pas hésité une seconde pour me partager son histoire. Sans doute, sentait-elle que son témoignage pourrait faire sens à ceux qui le liraient ? Mais savait-elle à quel point elle toucherait mon cœur ?

Rasha vit à Lille, avec son mari et ses deux enfants. Ils sont arrivés là il y a 6 ans, fuyant leur pays, l’Irak, où ils étaient en danger. En danger… mais pourquoi ? Et bien un groupe terroriste les menaçait parce qu’ils sont chrétiens. Je ne vous cache pas que cette réponse est lourde à écrire tant elle est dénuée de sens.

Il faut dire que Rasha a 36 ans et que dans son pays, elle n’a jamais vécu en paix. Alors, au début, elle a vu cette menace de loin, à la télévision, sans en prendre vraiment la mesure. Et puis, un jour, tout s’est accéléré. Les terroristes approchaient. Il y avait des bombes. Il a fallu décider vite. Avec son mari, ils savaient que s’ils restaient, ils devraient se convertir à l’Islam. C’était ça ou mourir. « En tant que chrétien, on est pas mieux que les autres. J’ai des amis musulmans. Mais je ne peux pas changer ma religion ! J’aime ce que je suis ! » livre Rasha, avec la force de la douceur.

Avec son mari, leur fille de 4 ans, et enceinte de 8 mois, ils doivent alors tout quitter du jour au lendemain. Fuir, comme tant d’autres autour d’eux… Deux heures de route, se transformant en 16 longues heures de fatigue et d’angoisse … 16 heures pour trouver refuge dans une petite ville encore préservée par la violence, et vivre, plusieurs mois, dans une maison en chantier, partagée avec dix autres membres de leur famille. Rasha, institutrice, est la seule à pouvoir retravailler. Les autres adultes de sa famille n’ont aucun revenu. Alors, Rasha partage les siens avec sa famille élargie et ses voisins dans le besoin : « Là bas il n’y a pas de riches ou de pauvres. Tout le monde s’entraide. Les voisins c’est important pour nous, c’est comme la famille ! » se souvient Rasha, avec émotion.

Mais Rasha et son mari savent que Daesh n’est pas loin, et la peur ne les quitte pas. Pour protéger leurs enfants, ils décident finalement de se rendre au Consulat, pour faire une demande d’asile à la France, et tenter de fuir le pays au plus vite. Malgré la difficulté de cette procédure, et le nombre croissant de dossiers en attente, ils ont la chance d’être choisis, et ils obtiennent un visa pour la France. En quelques mois, grâce à l’aide d’une association, ils sont accueillis à Lille, avec leur deux enfants.

Malgré l’épreuve de ce déracinement soudain, Rasha relativise : « Quand on est venu, on avait vraiment trop de chance. On est arrivé en avion ! » Rasha pense à ceux qui sont morts, en traversant la mer en bateau… certains de ses amis… Et aux 200 chrétiens de sa ville, qui ont fait le choix de rester, morts aujourd’hui.

A leur arrivée, Rasha et sa famille sont accueillis par un couple de retraités, qui les héberge pendant plusieurs semaines. Ils ne se connaissent pas, et ne se sont jamais vus, mais pourtant, avec eux, ils se sentent entourés et aimés. Ils ne sont pas seuls. Grâce à leur aide, et au soutien de l’association dans laquelle ils sont engagés, ils trouvent un hébergement dans un petit logement de la mairie et prennent des cours de français.

Le mari de Rasha, carreleur en Irak, trouve rapidement un travail, et à force de persévérance, il signe un CDI, en tant qu’agent technique à la mairie. Mais pour Rasha, les débuts sont plus difficiles : « Je pensais toujours à mon travail que j’aimais en Irak. J’avais un travail, fruit de mes études ! Ce n’est pas facile de recommencer à zéro ! Et puis la famille et les amis me manquaient, et je n’arrivais pas à m’exprimer, à faire ce que j’avais envie de faire ! Mais quand on accepte pas, on n’avance pas en fait. La tête bloque.» Cette période compliquée a duré deux ans. Et puis, quelque chose s’est débloqué dans la tête de Rasha.

Car avec le temps, la lumière qui la porte s’est mise a briller, pleinement : « Avec mon mari, on priait pour les gens qui nous ont fait du mal. On leur pardonnait. » raconte t-elle. « Je me sens très soutenue par la prière. »

Aujourd’hui, après 9 mois de cours de français, son permis de conduire en poche, et son CAP Petite Enfance, Rasha a retrouvé un travail. Elle est ATSEM dans une école, et cette proximité avec les enfants la rend heureuse ! C’est que Rasha aime être au contact des autres : Partager avec ses voisins, comme elle le faisait avant dans son pays. S’occuper d’une dame âgée, sans rien attendre en retour. Ou rêver d’ouvrir, à l’avenir, une maison pour accueillir des enfants handicapés. Finalement être sociable lui donne des ailes : « Quand je ne suis pas bien, je ne reste pas chez moi. Je sors avec mes enfants. Je sors et après j’oublie. Il faut toujours se lever pour avancer. »

Si tout n’est pas rose, Rasha ne pense pas à se plaindre. Au contraire. « En France je me sens vraiment très bien. Ici on a notre vie, notre appartement, notre travail… Ça aide aussi pour aimer cette vie ! Et maintenant on a beaucoup d’amis. Je vis des choses simples et on est heureux !…Et puis je ne cherche jamais à être riche… Même si on a pas beaucoup ! Le plus important c’est de profiter de ce que l’on a. » partage t-elle, avec simplicité.

Parfois, en voyant la mentalité en France, Rasha se questionne : « Il y a des gens ici qui ont tout et qui ne sont pas bien. » Elle pense à ses enfants, à qui elle apprend l’importance de l’effort, du travail, de la volonté. Elle pense à sa fille de 10 ans, qui avait honte, avant, de son accent à l’école, mais qui est fière maintenant de connaître deux langues. Elle a même trouvé la force de témoigner de son histoire devant toute sa classe, de leur raconter à tous, pourquoi elle est venue. Rasha sait combien cette parole est richesse pour chacun. C’est pour cela aussi qu’elle me parle aujourd’hui.

Au fond, sa lumière, si positive et sincère, peut rayonner, au fond de tous les coeurs. « Avant je n’arrivais pas à témoigner. Mais maintenant, dans ma tête, j’ai accepté les choses. » ajoute t-elle.
Et en pesant ses mots et l’histoire qui la précède, Rasha conclut, dans un sourire aussi bouleversant que communicatif : « J’ai beaucoup de gratitude ! »

Rasha tient à remercier l’accueil, la générosité, et le soutien apporté par l’association Accueil Fraternité. « Grâce à cette association, j’ai pu prendre des cours de français, passer mon permis de conduire, mon CAP, faire des choses essentielles pour trouver un travail… Toutes les démarches jusqu’à ce qu’on soit autonomes. » Et bien au delà de ce soutien logistique, le lien qu’ils ont tissé avec le couple qui les a accueilli est si fort aujourd’hui que les enfants de Rasha sont tous les mardis chez eux, et les considèrent comme leurs grands-parents. « Je leur dis « vous n’êtes pas obligés » » témoigne Rasha. « Mais c’est une vraie famille ! Un vrai Amour ! »

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